Connaissez vous les droits de prêt ?

Ikuko

Vous connaissez tous les droits d’auteur et les avaloirs. Si non, vous pouvez avoir plus d’informations sur l’article : « Le métier d’éditeur ». Pour les illustrateurs, il se peut qu’on leur demande de faire juste la couverture d’un roman, par exemple. Dans ce cas-là, l’illustrateur n’a pas de droits d’auteur mais des frais de commission avec un contrat pour l’utilisation de son image. Les frais de commission sont un montant fixé par l’illustrateur et accepté par le client.

Mais connaissez-vous les droits de prêt ?

Lire, c'est bien 🙂

Les droits de prêt sont ce que vous touchez à chaque fois que votre œuvre est empruntée à la bibliothèque.

Lorsqu’un éditeur publie un livre ou un auteur s’auto-publie, il doit faire le dépôt légal à la bibliothèque nationale de son pays. Au Luxembourg, c’est 4 exemplaires et en France 3.

Le dépôt légal permet à l’Etat de voir ce qui a été publié mais aussi à faire fonctionner les bibliothèques. En effet, lorsqu’un livre est déposé, il est enregistré dans la liste officielle des livres disponibles. Cette liste est consultable par toutes les bibliothèques municipales. Ainsi, si une personne veut emprunter un livre, il saura où le trouver.

Mais ce n’est pas tout ! Les livres déposés ne sont pas des exemplaires de perdus comme vous pourrez le voir par la suite.

Donnons un exemple concret :

Keiko habite en France, elle adore lire.

Aujourd’hui, Keiko veut lire « L’assommoir » d’Emile Zola. Elle se rend à la bibliothèque de sa ville et le trouve. Elle va alors l’emprunter et, pour se faire, elle passe par le guichet où une personne scanne le code barre du livre. Ainsi, on sait qu’un exemplaire de « L’assommoir » a été emprunté.

Keiko veut aussi emprunter, pour son fils Tony, le livre illustré « Les Soupes de Sucre d’Orge » d’Ikuko Ikeda et Sylvie Lavoie. Bien que les auteures de ce livre habitent loin, l’une au Luxembourg et l’autre au Canada, l’éditeur est français donc le livre est disponible à l’emprunt. Mais la bibliothèque de Keiko n’a pas ce livre en sa possession.

La bibliothécaire demande alors à la Bibliothèque Nationale de France (BNF) si elle peut lui envoyer le livre. La BNF envoie sur demande mais cela peut prendre quelques jours voire des semaines car les 3 exemplaires déposés circulent entre toutes les bibliothèques. Keiko n’est pas pressée, elle commande le livre et se met en liste d’attente.

Keiko veut aussi lire le manga « Invasion » d’Ikuko Ikeda. Mais elle ne le trouve pas car c’est un livre édité au Luxembourg. Elle demande alors à sa bibliothécaire si elle peut se le procurer. La bibliothécaire lui dit alors qu’elle devra demander si elle peut l’acheter. En effet, la municipalité offre un budget limité aux bibliothèques pour qu’elles s’y approvisionnent mais elles ne peuvent pas acheter sans autorisation.

Finalement, la bibliothèque obtient l’autorisation d’acheter l’œuvre d’Ikuko. La bibliothèque achète le livre comme une personne normale. Pour Ikuko, la mangaka, cela revient à vendre un exemplaire de son livre à une personne lambda donc elle n’a rien à faire de plus que d’envoyer son livre à la bibliothèque.

La bibliothèque reçoit le livre « Invasion » et l’enregistre avec son ISBN dans la liste des livres disponible à l’emprunt en France. Mais comme le livre a un ISBN luxembourgeois, il sera aussi recensé sur une liste au Luxembourg pour indiquer qu’un livre luxembourgeois est listé en France. Ensuite, la bibliothécaire peut enfin mettre le livre à disposition du public. Ainsi, Keiko et même d‘autres personnes pourront découvrir le manga.

Comme vous le constatez, Keiko n’a rien payé de sa poche mais parmi toutes les taxes que nous payons, il y a une partie qui va servir à payer les auteurs dont les livres ont été empruntés. Comme chaque bibliothèque recense tout ce qui a été emprunté, toutes les données sont ensuite centralisées à l’organisme qui gère les droits de prêt. A savoir LUXORR pour le Luxembourg et la SOFIA pour la France.

Comment toucher ses droits de prêt?

En tant qu’auteur et/ou illustrateur, vous pouvez vous inscrire à l’organisme du pays où le dépôt légal a été fait et payer des frais d’entrée une seule fois. Par exemple, pour moi, Ikuko IKEDA,  qui suis publiée par une maison d’édition luxembourgeoise et par deux maisons d’édition française, je suis inscrite à la SOFIA et à LUXORR.

Si jamais je me fais publier par une maison d’édition belge, je devrais m’inscrire dans l’organisme équivalent en Belgique, la SOFAM, pour toucher mes droits de prêt. Mais si je ne publie qu’un seul livre en Belgique et que j’estime que cela ne vaut pas la peine de m’y inscrire, je ne suis pas obligée de le faire : il n’y a aucune obligation légale d’être inscrit à une organisation gérant les droits de prêt.

Les droits de prêt sont versés entre le milieu et la fin de l’année pour l’année précédente. Cela peut prendre du temps à calculer notamment si, comme dans l’exemple donné, votre livre a été acheté et emprunté par un autre pays que le pays d’édition. 

Pour s’inscrire à la SOFIA ou à LUXORR, il suffit d’envoyer un mail à chaque organisme et leur demander le formulaire pour s’y affilier. Une fois inscrit, pour LUXORR, vous avez juste à attendre votre premier versement. Pour la SOFIA, on vous donne des identifiants pour avoir accès à votre compte et c’est à vous de lister tous les livres que vous avez publiés (en France et dans les autres pays).

Voilà, maintenant que vous savez tout cela, vous n’êtes plus obligé de pousser les personnes à absolument acheter vos œuvres. Vous pouvez aussi les pousser à emprunter vos œuvres dans les bibliothèques : c’est gratuit pour le lecteur et ça vous rapporte un peu d’argent 🙂